
La fin de l’ère des banques généralistes en Iran semble se profiler avec le lancement d’une stratégie de spécialisation des établissements bancaires, inscrite dans le cadre du septième plan de développement national. Cette réforme vise à maîtriser le déséquilibre structurel des banques, appelé « natrâzi », et à canaliser plus efficacement les ressources financières vers des secteurs productifs, évitant les dérives vers des activités hors mission.
La Banque centrale iranienne a récemment approuvé un ensemble de directives détaillées définissant le cadre d’établissement, de fonctionnement, de gestion et de supervision des banques commerciales, universelles, spécialisées et des banques de microcrédit. En répartissant les banques en quatre catégories selon leur mission principale, leur capital minimal et leurs domaines d’intervention, elle cherche à clarifier et restreindre les activités bancaires.
Par exemple, les banques commerciales doivent avoir un capital de base de 500 000 milliards de rials et sont autorisées à collecter des dépôts, accorder des crédits, gérer des opérations en devises et traiter des titres islamiques. Les banques universelles, avec un capital plus élevé de 900 000 milliards de rials, offrent tous les services bancaires et financiers, et peuvent constituer des groupes monétaires et financiers. Les banques spécialisées, dotées d’un capital de 300 000 milliards de rials, se consacrent à un secteur industriel ou à une chaîne de valeur spécifique. Enfin, les banques de microcrédit, avec un capital de 50 000 milliards de rials, se concentrent sur la mobilisation et l’attribution de ressources sans intérêt aux populations défavorisées. Des directives distinctes sont en cours d’élaboration pour les banques de développement et les institutions d’épargne et de crédit immobilier.
Cette réforme est cruciale car elle s’attaque au cœur du problème : l’inadéquation entre la durée des actifs et celle des passifs, ainsi que la dérive des banques vers des activités non conformes à leur structure financière, qui a engendré des bilans déséquilibrés et dégradés pendant des années. En cloisonnant les missions, la spéculation et les risques injustifiés devraient être considérablement réduits.
Par ailleurs, la spécialisation permet une meilleure justice dans l’allocation des ressources, notamment en orientant les financements vers des secteurs économiques à long terme et à forte valeur ajoutée, au lieu de privilégier des placements à court terme souvent spéculatifs.
Sur le plan de la supervision, cette segmentation facilitera le contrôle des banques par la Banque centrale, réduisant la complexité des missions à surveiller. Un cadre plus restreint de responsabilités permet une détection plus rapide des dysfonctionnements et des fraudes potentielles.
Des exemples internationaux renforcent cette approche : en Malaisie, la séparation des banques islamiques et conventionnelles a réduit de manière significative les créances douteuses, à condition d’avoir un système de contrôle strict. Au Brésil, la spécialisation du secteur du développement a minimisé les risques politiques en impliquant des gestionnaires spécialisés. En Turquie, la spécialisation a contribué à la croissance des exportations, même si des failles dans la supervision ont parfois permis le retour à des pratiques spéculatives.
Cependant, plusieurs défis restent à relever. Les acteurs ayant des intérêts dans des activités bancaires non spécialisées pourraient résister, sauf si des mesures réglementaires et fiscales strictes sont appliquées. La transition structurelle demandera aussi une refonte complète des procédures internes, des systèmes d’information et la formation intensive du personnel. Enfin, sans épuration parallèle des actifs toxiques, la réforme pourrait échouer ou reproduire les déséquilibres sous une nouvelle forme.
Ainsi, bien que le nouveau règlement soit techniquement solide et prometteur pour résoudre les causes du déséquilibre bancaire, l’expérience iranienne rappelle qu’une bonne loi sans volonté ferme d’application, transparence et rigueur, est vouée à l’échec. Le septième plan national offre une véritable opportunité de réformer en profondeur le système bancaire, ce dont dépendra en grande partie l’avenir économique du pays.