Pourquoi les Chiites Commémorent-ils Deux Périodes de Deuil pour la Fille du Prophète ?

La commémoration de la mort de Fatima al-Zahra, fille bien-aimée du Prophète Mahomet, est un événement majeur dans le calendrier chiite, marqué par une particularité unique : l’observation de deux périodes distinctes de deuil, connues sous le nom de « Fâtimiyya ». Cette dualité trouve son origine dans l’un des plus grands mystères de l’histoire islamique ancienne : l’incertitude concernant la date exacte de son décès. Comme l’explique l’experte Dr Faezeh Tahmasbi, cette imprécision est largement due au contexte politique tumultueux ayant suivi la mort du Prophète. Le souhait de Fatima elle-même que ses funérailles aient lieu secrètement, de nuit, pour éviter la présence des autorités au pouvoir – un acte de protestation silencieuse contre ce qu’elle considérait comme l’usurpation du califat – a contribué à brouiller les traces historiques et à laisser plusieurs dates plausibles.
Au-delà de l’incertitude historique, les deux Fâtimiyya représentent une réponse religieuse et sociale profonde. D’un point de vue pratique, elles permettent à la communauté chiite de respecter toutes les dates potentielles par précaution spirituelle, afin qu’aucun jour possible ne passe sans hommage. Symboliquement, ces deux périodes sont bien plus qu’un simple rituel ; elles sont un acte de résistance contre l’oubli et la falsification perçue de l’histoire. Elles servent à raviver la mémoire de l’injustice et de la « martyrologie » de Fatima, qui, selon la croyance chiite, est morte des suites de blessures physiques et de pressions psychologiques infligées après la disparition de son père, en raison de sa défense intransigeante des droits de son époux, l’Imam Ali.
Ces jours de deuil offrent une occasion cruciale de réflexion sur son rôle politique et social. Fatima n’est pas seulement pleurée comme une figure pieuse, mais aussi comme une gardienne de la légitimité et une voix qui s’est élevée contre le pouvoir établi. Les cérémonies, les discours et les rassemblements qui ont lieu pendant les Fâtimiyya transmettent ainsi des leçons sur la justice, la résistance à l’oppression et le prix de la défense de la vérité, des messages qui résonnent puissamment à travers les générations et qui animent l’identité et la conscience collective chiites.