
L’Imamzadeh Raqiya (S), fille jeune et innocente issue de la lignée sacrée des Ahl al-Bayt (la famille du Prophète), occupe une place singulière dans l’histoire de l’Achoura et la culture chiite. Au-delà des récits historiques souvent imprécis ou légendaires, sa personnalité se distingue par son impact psychologique, culturel, éducatif et mystique. Elle incarne la pureté d’une innocence enfantine martyrisée, un amour inné et un lien indéfectible avec la révolution de l’Imam Hussein (AS).
L’éducation alévite reçue dans son très jeune âge, au sein d’une famille reconnue pour ses nobles vertus, est un aspect clé de sa personnalité. Les récits racontent sa patience, sa politesse, ses demandes respectueuses à son père, et son refuge auprès de sa tante Zaynab (S) dans les moments difficiles, manifestations d’une éducation spirituelle profonde transmise dès la petite enfance, reflétant la réussite de la pédagogie alévie.
Raqiya (S) joue un rôle crucial dans la transmission indirecte du message de l’Achoura aux générations futures, particulièrement aux enfants. Elle est devenue un pont émotionnel qui permet aux plus jeunes de s’identifier et de ressentir la valeur de l’événement passionnel et religieux, non pas seulement intellectuellement, mais par une empathie enfantine, facilitant ainsi la pérennisation des valeurs de la révolution husseinite dans la culture chiite contemporaine.
Son image artistique, très présente dans les rituels religieux en Iran et en Irak, contraste avec les portraits héroïques d’autres martyrs masculins. Elle est représentée avec douceur, détresse et solitude, chantant des lamentations plutôt que des hymnes guerriers. Dans la peinture traditionnelle ou les pièces de « ta’ziyeh », sa figure apparaît souvent à côté de la tête décapitée de son père ou dans les bras de sa tante Zaynab (S). Ces représentations véhiculent un message social fort : la violence et l’injustice ne touchent pas seulement les combattants adultes, mais aussi les enfants innocents.
D’un point de vue mystique, dans la spiritualité chiite, alors que l’Imam Hussein (AS) symbolise la raison, l’amour et le sacrifice, Raqiya (S) incarne l’amour naturel et spontané de l’enfant pour Dieu et l’imamat. Sa relation simple et pure avec son père est une métaphore de la connexion authentique entre l’âme humaine et l’Imam divin, un amour inné fondé sur la foi non intellectuelle mais sur la nature même de l’être.
Enfin, son martyre « silencieux » offre une dimension différente à la culture d’Achoura : elle ne meurt pas au combat, mais succombe dans l’épreuve de la souffrance et de la solitude, symbolisant une forme de sacrifice tout aussi puissant mais moins guerrier. Cet aspect complète l’esprit tragique de l’Achoura en mettant en lumière la vulnérabilité innocente et la résistance de l’enfant martyr.Cette image est aussi devenue un symbole de résistance dans diverses luttes chiites contemporaines, de la Palestine au Yémen. Sur de nombreux banderoles et poèmes révolutionnaires, la silhouette d’une fillette en voile souligne la cruauté infligée aux innocents et incarne la persévérance face à l’oppression, soulignant ainsi la portée universelle et politique du personnage de Raqiya (S), qui demeure une figure d’une profonde puissance symbolique, pourtant peu explorée scientifiquement.